La Journée Internationale de la Femme 2021: Lumière sur Mme Teresa Ryder, directrice du développement des affaires chez l’ATAC

L’Association touristique autochtone du Canada (ATAC) participe à la prise de conscience sur l’égalité des sexes à l’occasion de la Journée internationale de la femme (JIF) 2021. Chaque année, des personnes, des organisations, des entreprises et des gouvernements reconnaissent les défis et les succès liés à la construction d’un monde égalitaire entre les sexes. Cependant, il ne s’agit pas d’une tâche facile et l’objectif de la JIF est de continuer à œuvrer en faveur de vrais changements quantifiables afin de garantir l’égalité des sexes dans de nombreux secteurs et systèmes sociaux.
Le thème de cette année est #choosetochallenge (#mettreaudéfi), l’idée étant qu’un monde mis au défi de changer est un monde en alerte. Individuellement, nous sommes tous responsables de nos propres pensées et actions – toute la journée, tous les jours et collectivement nous pouvons tous choisir de contester et de dénoncer les préjugés et les inégalités de genre. Nous pouvons tous choisir de rechercher et de célébrer les réalisations des femmes. Ensemble, nous pouvons contribuer à créer un monde inclusif.
Il est important de mentionner que les défis auxquels les femmes et filles autochtones sont confrontées ont augmenté en raison de la COVID-19. Des organisations comme l’Assemblée générale des Nations Unies ont souligné le travail qui reste à faire pour l’égalité des sexes dans un monde post pandémique. De plus, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 promet de ne laisser personne de côté. Or, l’examen de 20 ans réalisé en 2015 a révélé que les femmes autochtones du monde entier continuent d’être confrontées à des niveaux disproportionnés de discrimination, d’exclusion et de violence à la fois comme femmes et comme membres de communautés autochtones. L’élimination des barrières structurelles est fondamentale pour la réalisation de l’objectif de développement durable n ° 5 : l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et filles.
Aujourd’hui, l’ATAC choisit de défier les inégalités entre les sexes auxquelles sont confrontées les femmes autochtones dans l’industrie touristique et de célébrer celles qui ont brisé les barrières. Alors, à quoi ressemble l’égalité des sexes dans le secteur touristique autochtone? Comment, au sein de l’ATAC, reconnaissons-nous nos femmes autochtones et élevons-nous leur voix et leur position au sein du leadership? Nous nous sommes entretenus avec notre directrice du développement des affaires, Mme Teresa Ryder, pour parler de son parcours professionnel, de ses réflexions sur l’égalité des sexes et de ce qu’elle croit être les éléments requis pour atteindre des postes de direction en tant que femme autochtone dans l’industrie touristique.
En tant que directrice du développement des affaires, Mme Teresa Ryder est chargée de superviser le développement et la stabilité des associations touristiques autochtones à travers le Canada, ainsi que le développement de produits et les initiatives de subvention afin de soutenir les entrepreneurs touristiques et communautés autochtones qui investissent dans le tourisme. En 2020, elle a mené le programme de subventions de relance de 16 millions de dollars pour l’ATAC – une initiative mise en œuvre pour stabiliser plus de 675 entreprises touristiques autochtones alors qu’elles faisaient face à une perte de visiteurs en raison de la pandémie de COVID-19. Elle veille également à la croissance du Congrès international du tourisme autochtone – le plus grand congrès du tourisme autochtone au monde. Mme Ryder siège actuellement au conseil d’administration de l’Association de l’industrie touristique du Canada où elle milite pour le tourisme aux côtés de professionnels au niveau national.
Q. Racontez-nous comment vous êtes devenue la directrice du développement des affaires pour une association nationale sans but lucratif? Quels ont été les moments marquants de votre parcours professionnel?
Depuis mon premier contact avec cette industrie, j’ai consacré ma carrière professionnelle au tourisme autochtone. Après l’université, je voulais travailler un été à Indigenous Tourism BC (ITBC), afin de me donner du temps pour comprendre ce que j’allais faire avec mon diplôme en criminologie, que j’ai obtenu à l’Université Simon Fraser. Mais, à mesure que l’été avançait, je suis tombée en amour avec les gens, les histoires qui étaient partagées, la culture… et les liens que j’avais tissés. Je ressentais un sentiment d’appartenance et tout cadrait parfaitement. J’avais déjà travaillé dans l’hôtellerie et le service à la clientèle avant et j’avais vraiment l’impression que tout se rejoignait. C’est ce qui m’a amené à travailler chez ITBC pendant environ 5 ans.
Par la suite, j’ai entendu parler d’une opportunité de travail au sein de l’association nationale du tourisme autochtone (ATAC) – et cela m’a semblé être la prochaine étape pour moi, la progression naturelle de ma carrière. Je savais qu’il y avait d’autres régions du pays qui avaient la possibilité de se développer et de diversifier leurs offres touristiques. Le tourisme autochtone en Colombie-Britannique est bien établi, mais il y avait d’autres régions du pays qui pouvaient se développer. J’ai donc décidé d’accepter le poste chez l’ATAC!
Parmi les moments clés de mon parcours, je dois citer la gestion de projets vraiment importants. C’est une bonne façon d’ajouter de nouvelles flèches à mon arc. Par exemple, un projet au parc Stanley et un autre qui me vient à l’esprit est la cogestion du congrès du tourisme autochtone que l’ATAC organise chaque année dans différents endroits à travers le Canada. C’est devenu un événement international vraiment formidable dans le cadre duquel nous avons pu rencontrer des gens de par le monde. Ces expériences stimulantes m’ont vraiment amenée là où je suis aujourd’hui.
Q. En tant que professionnelle du tourisme, vous devez avoir vous-même des récits de voyage intéressants! Pouvez-vous nous parler de quelques lieux et/ou personnes qui ont laissé un impact durable?
Je peux raconter mes récits de voyage pendant des jours! Dans le cadre de mon travail, j’ai eu la chance exceptionnelle de découvrir des coins de pays que je ne connaissais pas. Je pense à des moments vraiment marquants comme la première fois où je suis allée à Haida Gwaii. C’était transformationnel. L’énergie du lieu était incroyable – je pense également à l’accueil des gens, à leur ouverture et leur volonté à partager leur culture et leurs histoires avec moi. C’était une expérience tellement riche de sens. Cela m’a ouvert les yeux en tant que voyageuse. Je savais que je me rendais dans un endroit où peu de gens sont allés, et je me souviens à quel point c’était spécial et que je me sentais reconnaissante! Je me rappelle d’être sur un balcon et de ne voir que l’océan. Je me sentais si petite. Je prenais de grandes respirations alors que les vagues se déferlaient, c’était une expérience qui m’a permis de me recentrer.
Une autre formidable aventure était ma visite à Iqaluit au Nunavut. J’y étais pour un congrès, mais j’ai aussi fait partie d’une expérience participative où ils nous apprenaient le chant de gorge et sa signification. C’était la première fois que j’allais dans le Grand Nord et que j’essayais tant bien que mal le chant de gorge (rires). Encore une fois, il s’agissait de la culture et de l’esprit des gens du lieu – leur générosité à partager est si impressionnante. C’était aussi les petits moments, quand j’étais assise dans ma chambre d’hôtel et que je regardais de l’autre côté de la baie en pensant à comment la vie était différente là-bas. Une fois de plus, devant l’immensité de l’Arctique et en savourant le moment présent, je me sentais à nouveau petite. J’ai l’impression que chaque endroit où je vais offre vraiment ces occasions. Ces lieux, ces terres autochtones, me rappellent à quel point nous avons la chance de découvrir des cultures, une nature sauvage et des espaces qui sont si beaux.
Q. Qu’est-ce que ça fait de travailler avec des partenaires de l’industrie et des entreprises touristiques partout au Canada? Quelles sont certaines des expériences et relations positives qui vous viennent à l’esprit?
Il y a eu une prise de conscience, un changement de perspective et une volonté de comprendre ce que signifie se réconcilier avec les peuples autochtones et d’avoir une relation significative. Il y a des jours où c’est fatiguant, quand je me sens seule comme Autochtone autour de la table. Mais j’ai trouvé des moyens de surmonter cela et de gérer les attentes. C’est comme marcher entre deux mondes je suppose – ce que je comprends car, étant d’origine musqueam et irlandaise, je suis à la fois Autochtone et non-Autochtone.
Certaines des expériences positives qui me viennent à l’esprit sont celles que j’ai vécues dans le cadre du Congrès international du tourisme autochtone (CITA). Ce congrès a changé les perspectives. Par exemple, lors de l’édition qui a eu lieu à Kelowna, en Colombie-Britannique, le PDG d’une association touristique régionale est venu me voir pour me dire qu’il n’avait jamais vu un tel événement où des gens, qui sont concurrents, se réunissent pour partager leurs réussites et leurs bonnes pratiques en affaires. Je pense que toute l’industrie veut voir tout le monde réussir – les possibilités de partager des connaissances et des informations sont nombreuses et en général notre secteur veut voir les autres réussir. Nous sommes une famille et nous comprenons l’importance de nous soutenir les uns les autres, car chacun a une vision ou un point de vue unique à travers le pays.
Quant aux relations qui me viennent à l’esprit, nous avons un réseau vraiment remarquable d’associations touristiques qui collaborent ensemble. Je pense également à certains de nos partenaires non-autochtones comme Voyage Manitoba, qui ont des objectifs à long terme et sont engagés dans le tourisme autochtone. Je vois cela comme une relation positive en raison de leur engagement à apprendre les pratiques autochtones.
Q. Cette année, le thème pour la JIF est #choosetochallenge (#mettreaudéfi), l’idée étant qu’un monde mis au défi de changer est un monde en alerte. Nous pouvons tous choisir de défier les préjugés et les inégalités de genre. Comment pensez-vous que ce thème s’applique à l’industrie touristique autochtone?
Je pense que le monde prend peu à peu conscience – les gens s’éveillent. Je me sens capable de lutter contre les inégalités – ne pas avoir une bonne représentation aux tables des conseils, ne pas avoir d’Autochtones aux postes de pouvoir. Je pense que le monde comprend mieux comment surmonter certaines de ces inégalités, comme élever la voix quand les organisations n’ont pas de personnes et de femmes autochtones aux tables de prise de décision, demander aux non-Autochtones de faire mieux et de décoloniser les réflexes et, vouloir plus de jeunes.
Je pense que l’ouverture et la volonté de s’adapter sont là. Ce n’est pas parfait évidemment mais la volonté de reconnaître les lacunes est bien présente pour qu’on puisse avoir des tables ou des conversations plus inclusives. Cela semble être la tendance que je vois – nous ne pouvons dire si c’est parfait à ce stade, mais je pense que les conversations sont en cours; et c’est vraiment important! Il est essentiel de travailler vers ces objectifs et de faire des progrès vers la reconnaissance des inégalités dans l’industrie. Il s’agit d’en prendre conscience et ensuite d’apporter ces changements.
J’ai vu une présentation intéressante sur l’état de notre industrie dans laquelle on nous expliquait que les femmes quittent leur emploi de manière disproportionnée, peu importe si elles sont le gagne-pain de leur famille ou si elles occupent des postes de direction.
Elles quittent leur emploi pour assumer plus de responsabilités familiales en raison de la pression accrue due à la covid-19 et la vie de famille. Je trouve ça un peu inquiétant. Nous nous sommes battues si dur pour en arriver là où nous en sommes, et dans le secteur du tourisme et de l’accueil, il y a beaucoup de femmes qui travaillent en première ligne, dans la gestion et occupent des postes de PDG. Nous ne pouvons pas perdre pied, nous avons parcouru bien du chemin. Je pense qu’il est important de trouver un espace pour que les PANDC, les femmes et les jeunes fassent entendre leur voix, surtout en cette période incertaine.
Q. Quelles sont vos recommandations pour les voyageuses et les professionnelles du tourisme qui souhaitent développer leurs compétences et leurs rôles de leadership et surmonter les obstacles?
C’est une grande question, et pour ma part, je pense qu’il s’agit de s’approprier son espace. En tant que voyageuse, j’aime aller dans un lieu, m’imprégner de tout et découvrir ce qui rend ce lieu unique. Ensuite, je repousse un peu mes limites au-delà de ce qui me met à l’aise, qu’il s’agisse d’explorer un lieu de manière indépendante ou d’apprendre à ne pas avoir peur.
Je pense que cela peut se transposer dans la salle du conseil ou dans le monde professionnel. Il s’agit de revendiquer l’espace qui vous appartient et de s’assurer que les gens savent qui vous êtes et prennent part à la conversation. Tenez à votre identité en tant que femme autochtone. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de gens qui ne savent pas qui je suis dans ce domaine – en tant que femme autochtone dans le secteur touristique. Cela nécessite un certain niveau de connaissances, d’expertise et d’engagement envers la communauté que je représente.
Il y a eu un moment dans ma carrière où je n’étais pas aussi confiante de pouvoir représenter tout cela – mais je me suis rendue compte qu’il était normal d’incarner ces identités. Je ne pense pas que je devrais être la seule femme assise à une table avec seulement des hommes, et je ne pense pas que ce soit acceptable d’avoir une seule personne autochtone à la table, surtout si la conversation porte sur les peuples autochtones et la croissance du tourisme au Canada. Il s’agit parfois de repousser ces limites et d’être confiant – et cela mettra certaines personnes mal à l’aise. Comme je l’ai dit, il s’agit de s’approprier et de revendiquer cet espace – c’est le vôtre.
Q. En tant que femme, quels sont les trois mots qui vous viennent à l’esprit au fait de travailler dans un secteur aussi complexe et intéressant?
Opportunité – Je pense que l’industrie m’a donné tellement d’opportunités. De nombreuses femmes m’ont soutenue dans ma carrière. Je pense au moment où j’ai commencé à travailler dans les restaurants – ces femmes m’ont poussé à affiner mes compétences et m’ont vraiment encadrée. Et vous savez, le fait de pouvoir parler avec mes tantes et ma famille pour qu’ils puissent m’aider à grandir dans ma carrière touristique a été un grand avantage. Je suis si reconnaissante pour des moments comme ceux-là.
Fierté – Je suis vraiment fière de ce que j’ai pu accomplir en tant que femme et en tant que femme autochtone. Être capable de montrer le potentiel de quelqu’un comme moi dans le monde professionnel. Vous savez, au tout début, je n’avais pas considéré le tourisme comme un choix de carrière. Mais quand je vois où je suis rendue aujourd’hui, j’en suis très fière.
Aventure – Ce cheminement de carrière m’a permis de profiter de tant d’expériences! De devoir élaborer une stratégie touristique avec plusieurs partenaires à comprendre des liaisons aériennes complexes. Il y a tellement de choses à explorer et d’espace pour m’épanouir dans ce secteur. J’ai l’impression que ce sens de l’aventure a rendu ma carrière enrichissante. Pour se rendre dans une ville où on n’est jamais allé – là où on est un jour en talons pour une réunion et le lendemain en bottes en caoutchouc sur un bateau de pêche. Il y a toujours un changement de rythme et cela comble vraiment mon sens de l’aventure!
Q. Quel genre d’empreinte voulez-vous laisser dans l’industrie touristique?
Ce qui me tient très à cœur c’est le potentiel des jeunes en tourisme autochtone – le fait qu’ils considèrent faire carrière dans ce secteur. Mais je vois les possibilités de changement transformateur au sein des communautés où les jeunes sont impliqués dans leur culture, ont des emplois significatifs dans la communauté et n’ont pas besoin de la quitter. Ils peuvent rester en contact avec des personnes qui favoriseront un impact positif dans leur vie.
Le tourisme est une excellente occasion de raconter nos histoires – aux voyageurs et à la population générale. Donc, quant à laisser mon empreinte, j’espère que les jeunes à venir, en particulier les jeunes femmes qui rejoignent le marché du travail, peuvent voir qu’ils peuvent se développer et avoir une carrière significative comme la mienne. J’espère que mon histoire inspirera d’autres personnes à rejoindre notre industrie et contribuer au changement pour les générations futures.
« Rien sur nous, sans nous » et « tout sur nous, avec nous » : c’est le message que nous avons entendu des femmes autochtones à Lima en 2013 avant la tenue de la Conférence mondiale sur les femmes autochtones 2014. Malgré les défis liés à l’inégalité entre les sexes, les femmes autochtones sont déterminées à vivre par l’exemple, en tant qu’agentes actives du changement, plutôt qu’en tant que bénéficiaires passives du développement. Le tourisme – l’une des activités économiques les plus florissantes du 21e siècle – est non seulement en mesure de contribuer à l’amélioration des moyens de subsistance des peuples autochtones mais est également une industrie prospère permettant aux peuples autochtones de posséder et de gérer des entreprises touristiques contribuant au développement du tourisme autochtone. Le tourisme autochtone, si si géré de manière respectueuse, responsable et durable, stimule l’interaction et le renouveau culturels, soutient les emplois, réduit la pauvreté, freine l’exode rural, rend autonome les communautés locales, en particulier les femmes et les jeunes, encourage la diversification des offres touristiques et permet aux gens de conserver leur relation avec la terre et de nourrir un sentiment de fierté.