Résilience : compte rendu de la visite papale historique
Avertissement : pensionnats autochtones
Le 27 mai 2021, la Première Nation de Tk’emlúps te Secwépemc a annoncé la découverte déchirante des restes de 215 enfants sur le site de l’ancien pensionnat de Kamloops. Cette tragédie nationale a finalement exhorté les forces vives à exhumer de milliers de tombes similaires non marquées depuis le printemps 2021. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un secret pour les communautés autochtones, cet événement a exposé au grand public le douloureux héritage des pensionnats, entraînant la résurgence des initiatives axées sur la réconciliation à l’échelle nationale.
Par coïncidence, le 27 mai 2021, quelques heures seulement avant que cette histoire ne fasse la une des journaux nationaux, j’ai signé mon contrat de travail préliminaire avec l’Association touristique autochtone du Canada (ATAC). Parfaitement inconscient du virage culturel qui allait suivre, je voyais le tourisme autochtone comme simplement une voie plus large vers la prise de conscience. En tant que professionnel autochtone en marketing avec un intérêt pour l’impact communautaire, je m’embarquais dans une carrière viable pouvant potentiellement apporter des changements. Je ne savais pas que j’entrais dans une industrie qui allait bientôt contribuer fièrement au mouvement de réconciliation à un moment critique pour la souveraineté et les revendications territoriales des Autochtones.
Moins d’un an après le début de mon emploi, cette révélation s’est confirmée lors du conclave papal à Rome, où j’ai personnellement été témoin d’un bond communautaire historique vers la réconciliation pour les peuples autochtones au Canada. J’ai eu l’intégralité du vol aller-retour transatlantique pour réfléchir à ce dont j’ai fait partie en Italie. Malgré cela, je suis toujours à court de mots. Néanmoins, je voudrais partager mon expérience au mieux de mes habilités, ainsi que quelques photos impromptues que j’ai prises durant le voyage.
Fin mars 2022, une délégation autochtone s’est rendue au Vatican pour rencontrer le pape François. En plus des survivants des établissements résidentiels de génocide, la délégation incluait également deux représentants des jeunes, 13 délégués des Premières Nations représentant l’APN, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami. En se rendant à Rome, l’APN a appelé le pape à admettre la revendication de l’Église catholique romaine au droit de domination sur tout et tous, et de reconnaître son rôle dans les violences spirituelles, culturelles, émotionnelles, physiques et sexuelles subies par les enfants des Premières Nations, Inuits et Métis dans les pensionnats administrés par l’Église catholique au Canada.
Mais pourquoi étais-je là-bas?
En tant que chef de file reconnu en matière de médias et de récits culturels autochtones, l’ATAC a eu l’honneur d’être invitée à soutenir l’APN dans cette mission, en fournissant un appui émotionnel et logistique tout au long de cette entreprise ardue. De plus, nous avons parrainé un groupe d’artistes autochtones qui ont présenté un spectacle culturel d’une heure pour commémorer la visite historique d’une semaine et remonter le moral de ceux qui ont lutté ardemment pour la justice. Fondée sur la vision du Chef national des Dénés, Gérald Antoine, la programmation était inspirée de ses notions de la famille, de la connexion, de la résistance, de la force, de la survie et de la célébration. Les artistes ont apporté leur soutien à la délégation au moyen de la musique, des percussions, des danses et des contes.
Parmi les danseurs, on comptait des talents de renommée nationale, représentant diverses régions et cultures autochtones d’un bout à l’autre du pays : Megan Jensen, Lawrence Nayally, Ritt, Thomas Wamiss, Angela Miracle Gladue, Kevin Seesequasis, Theland Kicksnoway, Adrian Dion Harjo, Ascension Harjo et l’Aîné Francis Newman. Les danseurs étaient accompagnés d’une délégation de l’ATAC composée de M. Keith Henry (PDG), Mme Marilyn Yadultin Jensen (vice-présidente du conseil), Mme Cecilia Point (directrice des finances) et moi-même (gestionnaire du marketing numérique et photographe attitré). Plus précisément, nous avons nommé à juste titre notre groupe « Équipe résilience » en l’honneur de l’esprit communautaire toujours vivace de notre peuple.
Dès le début de ce voyage à l’aéroport international de Vancouver, le poids de tout cela se faisait sentir peu à peu. J’ai rapidement accepté la charge émotionnelle de la semaine à venir lorsque nous avons été accueillis à la porte par des dirigeants des communautés vêtus d’orange chantant The Musqueam Paddle Song (de feu Dominic Point). Un sentiment palpable de solidarité s’est installé dans la zone d’embarquement et nous a donné la force qui nous a accompagnée lors de cette mission à l’étranger.
Ajoutez à cela une traversée d’une journée et un décalage horaire ultérieur et vous avez la recette d’une inévitable vague d’émotions. Quoi qu’il en soit, l’Équipe résilience avait atterri en Italie avec tous les délégués désignés pour les réunions papales. Ce qui m’a immédiatement frappé, c’est le nombre d’Autochtones que j’ai vus à Rome cette semaine-là – dont beaucoup étaient venus de leur propre gré, uniquement pour soutenir la cause. En marchant dans les rues étroites et pavées, je voyais fréquemment le visage d’un inconnu familier en tenue traditionnelle, qui me saluait avec un sourire complice, reconnaissant silencieusement nos efforts mutuels.
La priorité initiale à l’arrivée était de consolider notre base d’opérations (un superbe albergo vieux de 600 ans donnant directement sur la basilique Saint-Pierre) pour notre spectacle préplanifié pour les délégués et les médias, avec une diffusion en direct pour notre public canadien. Cela dit, les souvenirs marquants que j’ai de l’Équipe résilience n’ont pas été répétés et ne font pas partie de l’itinéraire initial. Au moment où nous étions arrivés à Rome (deux jours après le début de la série de réunions d’une semaine au Vatican), le poids tacite qui pesait sur les épaules de tous les délégués se faisait sentir. Sur ce, l’APN nous a fait une importante demande de dernière minute. Ils avaient demandé à nos artistes d’attendre à l’extérieur de la basilique pour soutenir les délégués sur la place au moyen de percussions et de chants traditionnels. C’est avec fierté que nous avons accepté l’invitation.
Je n’oublierai jamais la belle juxtaposition de nos vibrantes tenues traditionnelles sur le fond de l’architecture baroque désaturée. Je n’oublierai jamais non plus le son de nos tambours battants accompagnés de nos cris de fausset véhéments résonnant dans le couloir gothique. Et surtout, je n’oublierai jamais nos délégués indomptables marchant sur la place la tête haute, savourant le soutien inconditionnel de leur peuple. À ce moment-là, quel que soit le résultat de ce voyage, nous étions déjà incontestablement triomphants en tant que communauté.
Le 1er avril, dernier jour de la visite au Vatican, nous sommes retournés à notre poste à l’extérieur de la basilique, préparés pour un rappel final de ce moment. Seulement cette fois-ci, quelques minutes avant l’entrée officielle de la délégation sur la place, nous avons reçu la nouvelle que nous attendions avec impatience. Le pape François avait finalement présenté des excuses officielles pour les abus déplorables des systèmes de pensionnats au Canada. Alors qu’entendre ces mots était l’objectif principal de ce déplacement, la réaction en général était teintée de nuances douces-amères. Nous savions toutefois qu’un optimisme irréfutable serait l’énergie dont nous avions besoin pour saluer nos dirigeants dans le couloir peu de temps après.
En un instant, cet esprit intransigeant a pris la forme d’une danse en rond mémorable d’une heure autour de la Fontane di Piazza San Pietro. Gérald Antoine lui-même s’est joint à nos joueurs de tambours qui ont imité avec engouement, au moyen de leurs instruments, les battements de cœur des enfants perdus. En même temps, des artistes vêtus de tenues traditionnelles présentaient habilement à tour de rôle leurs vérités individuelles sur le pavé en travertin, avec leurs mocassins perlés faits main de leurs territoires respectifs. Il était évident pour toutes les parties que ce qui se passait était au mépris flagrant des règles et réglementations strictes du Vatican. Néanmoins, nous avons persisté avec une conviction qui rendait les autorités impuissantes vis-à-vis de nous.
L’avant-dernier acte de notre programme impromptu était « La chanson des femmes guerrières » (par Martina Pierre de la Nation Lil’wat), menée avec ferveur par ma chère tante et collègue, Cecilia Point, accompagnée de ses camarades participantes. Incontournable de la Marche des femmes de Vancouver en l’honneur des femmes autochtones assassinées et disparues (MMIW) de l’est de Vancouver, cette mélodie envoûtante était un dur rappel que notre bataille est loin d’être terminée.
Avec cela dans nos cœurs, nous avons conclu la journée avec un dernier pow-wow éclectique sur la place qui a mis en évidence la diversité des fidèles présents. Malgré leur ignorance apparente des événements en cours, les passants ont été captivés par notre énergie et se sont joints avec empressement à la cérémonie, à laquelle ils ont été accueillis à bras ouverts. Cette présentation dynamique de l’unité inconditionnelle, de l’amour et de la résilience, est quelque chose que je garderai sans aucun doute dans mon cœur pour toujours.
En 2018, l’artiste autochtone Jeremy Dutcher a prononcé cette phrase célèbre: « Nous sommes en pleine renaissance autochtone. » Si l’Italie n’est pas étrangère au concept de Renaissance, elle devrait s’estimer chanceuse d’avoir été témoin de ce renouveau particulier et triomphal au Vatican. Je sais que je le suis.
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La ligne d’écoute téléphonique des pensionnats autochtones est disponible 24 heures sur 24 pour toute personne éprouvant de la souffrance ou de la détresse à la suite de son expérience en pensionnat.
Pour une assistance immédiate, veuillez appeler le 1-800-721-0066.