La cuisine autochtone est plus que jamais à l’honneur et plusieurs professionnels culinaires des Premières Nations, des Métis et des Inuit veillent à ce que les jeunes aient une place à la table.

Tammy Maki, cheffe cuisinière et pâtissière certifiée Sceau rouge, est membre de la Première Nation White Bear, en Saskatchewan, et propriétaire de Raven Rising Global Indigenous Chocolates, à Sudbury, en Ontario.

Elle n’a pas eu à chercher bien loin pour trouver une apprentie.

« Ma fille, Kirsten, était mes oreilles. En raison de ma déficience auditive, je me sens perdue quand il y a beaucoup de monde autour de moi. Elle pouvait gérer la cacophonie et toutes sortes de personnes. Sans elle, je n’aurais jamais pu participer à de grands événements, comme les championnats culinaires canadiens. »

Bien qu’il soit gratifiant de voir Kirsten s’épanouir, le mentorat d’un membre de la famille peut s’avérer être un défi.

« Kirsten était très semblable à moi, mais amplifiée à la puissance 25. Souvent, elle s’adressait à moi comme si j’étais son employée. J’ai finalement dû lui rappeler qu’ici, je suis la cheffe, je suis son employeuse. Je m’attends à en avoir pour mon argent et à être respectée. »

« On a peur de créer un fossé si on dit quelque chose mais mon entreprise est aussi mon enfant. »

En mars 2023, lorsque Kirsten est décédée subitement, cheffe Maki a dû revoir la structure de son entreprise tout en traversant sa peine. Cependant, son engagement à transmettre son savoir est resté inébranlable.

« Je veux former des pâtissiers autochtones, car nous sommes très peu représentés. Je veux enseigner aux gens comment avoir une carrière bien équilibrée. »

En repensant aux moments qu’elle et Kirsten ont passés ensemble à Raven Rising, cheffe Maki déclare : « Je suis très reconnaissante d’avoir pu passer ces années à travailler avec elle. Elle a vu qui je suis en tant que professionnelle et elle a pu vivre tant de choses. »

Membre de la Nation Nuxalk de Bella Coola, en Colombie-Britannique, la restauratrice Inez Cook est propriétaire de Salmon n’ Bannock, le seul restaurant autochtone de Vancouver, ainsi que de Salmon n’ Bannock On the Fly, à l’aéroport international de Vancouver.

Sa réputation légendaire en tant qu’entrepreneure et ambassadrice de la cuisine autochtone suscite parfois une certaine timidité chez les jeunes employés lors de leur première rencontre avec elle.

Inez dit en riant : « Après cinq minutes en ma compagnie, leur nervosité s’évapore! » 

La majorité de l’équipe a moins de 30 ans. Salmon n’ Bannock est un terreau propice à l’épanouissement culturel, surtout pour ceux qui ont grandi en étant déconnectés de leurs communautés. 

Proposant une cuisine autochtone au goût du jour, le restaurant a un menu de base qui demeure le même toute l’année, mais à l’occasion de Dine Out Vancouver, toute l’équipe participe à l’élaboration de nouveaux plats, sous la houlette d’Inez. 

Inez a également eu l’honneur d’être mentore en affaires.

« Je ne “leur“ donne jamais de conseils, dit-elle. J’écoute leurs idées et je les aide à mettre en œuvre leur propre vision. Nous avons tous connu des difficultés, alors j’espère que ce qu’ils apprennent les aidera à surmonter certains de ces défis. »

Originaire de la communauté Wahta Haudenosaunee de Bala, en Ontario, Chris Commandant est sous-chef au Centre national des arts (CNA) d’Ottawa et diplômé de l’école Le Cordon Bleu de Paris. 

En plus de son travail, il met l’accent sur le mentorat et l’enseignement dans une multitude de contextes. 

«J’essaie de concevoir les séances en m’inspirant de la maison longue, où on peut s’exprimer librement et poser des questions. Tout le monde se réunit autour de la philosophie «un bol, une cuillère». Je place les ingrédients nécessaires à différents endroits de l’espace de travail, encourageant ainsi les participants à se demander mutuellement ce dont ils ont besoin. » 

Chris Commandant sera chef en résidence au CNA à l’automne 2024. Il tient cet honneur à cœur et espère pouvoir inspirer les futurs chefs autochtones. 

« Notre principale responsabilité est de transmettre les connaissances que nous avons acquises, sinon elles disparaîtront avec nous. Il revient à la jeune génération de prendre en main ce savoir et de le faire évoluer. »

Le chef Scott Iserhoff, originaire de la Première Nation d’Attawapiskat, dans le nord de l’Ontario, est propriétaire et gérant de Pei Pei Chei Ow, une entreprise de restauration et d’éducation située à Edmonton, en Alberta.

À moins de 40 ans, Scott s’interroge sur ce qu’il peut faire pour inspirer la relève. 

«Des fois, je pense que je n’ai pas grand-chose à enseigner, ou que je ne suis pas la bonne personne pour le faire. Je suppose que c’est le syndrome de l’imposteur.» 

Mais après, il repense aux fois où il sait qu’il a contribué à changer les choses. 

«J’essaie vraiment de “connecter“ avec eux en tant que jeunes Autochtones, explique Scott. Il leur faut parfois quelques heures ou jours pour sortir de leur coquille et être eux-mêmes, mais une fois qu’ils y parviennent, c’est tellement merveilleux. Ils me demandent alors si c’est la dernière fois que nous cuisinons ou si nous pouvons le faire à nouveau.» 

Scott espère que même de brèves périodes passées avec les jeunes leur permettront de cuisiner davantage à la maison, ne serait-ce que des plats simples. 

«Je leur transmets des techniques et des astuces qu’ils peuvent mettre en pratique», mentionne-t-il. 

Scott fait toujours attention à ce qu’il laisse comme impression. 

«Lorsque j’enseigne, j’essaie de me mettre à la place des jeunes et de choisir mes mots avec soin. C’est très important. Quand j’étais jeune, les mots avaient beaucoup de poids.»

Les jeunes Autochtones ne sont pas les seuls à bénéficier des compétences de Scott. 

«Imaginez un chef d’origine coloniale qui raconte que son mentor était un chef autochtone. Cela contribuera à changer le discours et à briser les stéréotypes.» 

Impliquer les jeunes dans la cuisine autochtone est une priorité pour Scott.

«Cela permet de se faire connaître et de donner de l’espoir. Pour ma part, quand j’étais jeune, je me demandais toujours où étaient tous les chefs autochtones. Même si nous ne sommes ensemble que pour une journée, ils s’en souviendront toute leur vie. Ils sont très importants. Ils sont l’avenir, notre avenir.» 

Angela Ryder

Angela Ryder

Angela is ITAC’s Project Manager. Angela is of Musqueam descent and was raised on Vancouver Island. Angela is eager to continue to learn about the Indigenous people across Canada and proud to be working with Indigenous tourism businesses.